NOSTALGIE D’UNE MAMAN

par Hiel

Je le savais. On me l’avait dit. Des dizaines de fois. Ces voix plus vieilles que la mienne, ces regards usés, ces mains plissées, tous m’avaient répété cette même phrase: “Profite, ça passe trop vite”. Et moi, bêtement je hochais la tête, subjuguée par mon mini-moi, ou plutôt mon mini-Christophe. J’étais d’accord, j’avais déjà ressenti ce temps qui m’échappe sur Léna et Lissandre. Mais une fois encore, je n’en mesurais pas l’ampleur, et pourtant c’était la dernière.

Léna, à 2 mois – Août 2011-

Je regarde ma fille sortir de la douche, son dos qui se forme, ses courbes qui se dessinent, ses jambes qui ne cessent de s’étendre. A chaque fois, je la revois bébé, entre mes mains, mon premier bébé. C’était hier, je ressens encore l’émotion d’une toute nouvelle maman…Et pourtant elle aura bientôt 7 ans. 7 années déjà…

Et encore une fois, hier, devant mon petit Jona, on m’a rebalancé ce fichu conseil. Malgré mes efforts, je n’arrive pas à me souvenir de tout. Pourtant il n’a que 3 mois, mais déjà il a grandi, déjà il a changé, déjà il a plus de force, déjà j’ai oublié. Il s’est éveillé, de matin en matin, sans crier gare, sans m’avertir. Je n’ai pas vu tout de suite.

Cette putain de frustration de n’avoir pas assez de minutes ou de mémoire pour me souvenir de chaque instant.

J’ai pourtant cette richesse, ce noble temps qui est à ma disposition chaque jour, à éparpiller comme bon me semble entre mes 3 enfants. J’ai cette envie chaque matin de partager ma journée au mieux pour créer avec chacun d’eux quelque chose qui leur donne le sourire. Ecouter leurs envies et me promener avec eux sur le chemin qu’ils choisissent. J’ai cette chance, de pouvoir me poser à leurs côtés, d’avoir le temps de le faire. Et pourtant, malgré tout, ce n’est pas assez.

Je ne parviens pas à mémoriser chaque instant comme je le devrai. Ma fille continue de grandir, mon grand garçon est passé de bébé à 5 ans direct, et mon petit Jona, trace sa route aussi au fil des semaines, balayant chaque progrès avec une aisance déconcertante. J’aimerai figer son regard lorsqu’il tête, férocement maintenant, et qu’il me dit de ne surtout pas lui retirer le sein de la bouche, mémoriser les cercles de ses petits doigts quand il cherche ma peau et la caresse sur quelques centimètres carré, et faire cesser de pousser ce petit corps qui n’arrivait pas à égaler la largeur de mon ventre et qui dépasse désormais de bien de trop. Je ne comprends pas qu’il faille faire des tas de 1 mois, de 3 mois, en se disant que c’est fini, sans m’être préparée à ça. Putain de temps.

Lissandre, Jona et Léna

Alors bon, je frotte leurs grandes, moyennes, petites mains dans les miennes, je couvre de baisers leur grand, moyen, petit ventre, j’organise des réunions enfants chaque soir pour me consoler par leurs lots de câlins, mais…rien n’y fait. Ils changent, grandissent, avec cette même amertume dans le cœur de ne pas assez profiter d’eux, malgré toute la journée où ils sont sous mes yeux. J’ai ce fichu sentiment d’injustice que ce qui est passé ne sera plus, même si je vois aussi les demain à construire… Je glousse avec hypocrisie quand on affiche des centimètres en plus au compteur quand eux, les surenchérissent fièrement.

C’est trop injuste! Je fais tout pour qu’ils deviennent de plus en plus autonomes et bien dans leur peau, qu’ils se construisent comme des personnes différentes, chacun avec leur personnalité, et paradoxalement, je trépigne dès que je tente désespérément de fermer un pantalon ou qu’on me balance sans ménagement qu’on n’a pas besoin de moi alors qu’il ou elle en avait besoin hier (non mais oh, d’où tu te permets de grandir sans me demander?!?)

Y’a pas grand chose à faire, je n’ai rien qui me permette d’arrêter ce défilé permanent des aiguilles, mais il me reste la volonté. La volonté de prendre le temps pour eux, de m’arrêter de travailler quand ils me le demandent, de mettre la priorité sur leurs besoins de l’instant, même s’il s’agit de résoudre ce même conflit depuis deux semaines, même si parfois j’aspire à être au calme plutôt que d’entrer dans leur jeu de guillis improvisé.

Il me reste la volonté de fixer comme je le peux les souvenirs dans ma mémoire, dans leur mémoire.

Il me reste cette même volonté de les regarder et de les écouter longuement, chaque jour, sans intervenir, pour m’imprégner de l’instant. Cette même volonté d’arrêter les secondes quand je regarde le dos de ma fille qui s’est formé, ses courbes qui se sont dessinées et son corps qui s’est étendu.

Et vous, un remède contre la nostalgie de vos bébés?

A très vite.

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