BILAN DE 3 ANS DE VOYAGE EN FAMILLE

par Hiel

Ca y est, on les fête! 3 ans de voyage! Qui aurait cru, moi qui suis si peureuse? Moi-même, honnêtement, je ne donnais pas une année à cette aventure, persuadée que je ferai demi-tour au Portugal, ou que je mourrai d’une énième crise panique devant mes enfants.

Mais je suis là, en Ukraine, 3 ans après, bien plus forte qu’à notre départ, faisant défiler les souvenirs vidéos en glissant la molette de ma souris. Je n’en reviens pas.
Franchement, c’est une jolie claque à la vie, moi qui ne suis jamais allée plus loin que le Mont-Saint-Michel gamine, fille de parents ouvriers qui n’avaient pas les moyens de partir en vacances, une jolie revanche sur cette enfance rose pâle teintée de gris.

Tous les ans, je regardais mes voisins partir tour à tour en camping-car, en avion, en voiture. Peu importe, ils partaient. Et moi je gardais leurs animaux, relevais leur courrier, en me disant qu’un jour, je verrai aussi ces pyramides des cartes postales qu’ils m’envoyaient. Bah oui, rares sont ceux qui m’ont envoyé des photos des immeubles vieillissants de Moldavie ^^.

C’est une belle claque sur la merdasse d’agoraphobie qui m’a pris 10 années de ma vie. 10 années de flou, de descente tout schuss vers le noir, de boulots entrecoupés de chômage, moi qui n’arrivais à rien faire de bien. 10 années d’amis qui se lassaient de venir à moi (merci aux rescapés) et 10 années de chocolat noir de compensation sur le mal-être qui me rongeait le ciboulot. 10 années de rien, rien de bien, rien de nouveau, rien qui vaille la peine.

Aujourd’hui, enfin, sur le tard, je me retourne et je suis heureuse. Enfin, je suis en phase avec ce que je ressens, bercée entre une liberté douce et agréable à vivre et actrice de mes journées, de ma vie. Je suis heureuse de voir ce chemin parcouru, de ces rencontres qui auront contribuées à cette place ici, là, maintenant, en Ukraine, avec trois enfants derrière moi qui me poussent et me portent, sous le regard de mon homme jamais loin.

Qu’en est-il de ces 3 ans? Quel bilan j’en fais? On renquille?

Du temps pour soi et sa famille

Alors, si je fais un bilan général, je ne peux que parler de liberté d’abord. Partir en digital nomad nous aura offert plus de liberté que lorsque nous vivions en France. Nous n’avons plus de contrainte horaire, puisque nous travaillons pour nous-même. Nous n’avons plus de réveil qui sonne (et ça les amis, c’est juste un luxe que je souhaite à tous!).

Plus d’école non plus à honorer dès 9h. Léna et Lissandre apprennent ce qu’ils aiment, ce dont ils ont besoin pour leurs jeux et selon leur évolution personnelle.

Nous sommes libres de nos journées, de nos moments de travail et de sorties. Libres d’écouter nos envies, nos besoins du moment. Pas de période de vacances pour voyager, c’est vraiment un mode vie différent.

Bien évidemment, plus de liberté pour moi qui était si prisonnière de mes peurs (#agoraphobie). J’ai beaucoup progressé, beaucoup avancé. J’ai encore peur, des milliards de fois je tremble encore, mais j’avance, n’ai plus peur d’oser et de me fracasser, puisque je sais que je saurai me relever.


1400 lev bulgare, notre loyer pour un mois, qui correspond à 715€

Un autre bénéfice et pas des moindres : le gain d’argent est indiscutable en ce qui nous concerne.
En France, nous avions plus de 750€ de loyer, nous rajoutions 150€ d’électricité/mois. A cela venait s’ajouter l’eau, environ 40€, puis le forfait internet 10€, la taxe d’habitation, 80€, les ordures ménagères, quelques euros, et la cantine des enfants, l’école et les frais secondaires (sorties, visites) comptez environ 100€ pour deux enfants mensuellement… Ensuite, le budget alimentation était environ de 500€/mois. Les autres dépenses étaient les sorties, le sport, les vêtements et jeux, principalement pour les enfants. Comptez 100 à 150€/mois. Voilà une belle moyenne de 1800€ environ de budget/mois à 4.

En voyage, nous avons une moyenne de loyer de 850€/mois, en sachant que nous sommes bien en-dessous hors saison touristique pour les coins plage et plus l’été. Nous n’avons jamais dépassé 950€. Dans ce loyer, il y a déjà l’EDF, l’internet, l’eau, le chauffage. Plus de taxe d’habitation, plus de cantine ou de frais scolaires.
Nous dépensons en revanche plus en sorties, visites, restaurants, petits plaisirs quotidien. Et nous restons malgré tout bien en-dessous de nos dépenses en France.
Je me souviens de nos premiers restaurants locaux au Portugal près d’Esposende, où nous payions environ 8€/personne pour un repas plus que copieux et délicieux. Nous n’hésitions pas beaucoup entre faire les courses/cuisiner et aller au restau!


Le poulpe , découverte culinaire au Portugal

“La Cabana” en bord de mer qui nous aura fait découvrir poulpe et choux farçis à tomber…Se faire plaisir davantage, quand on en a envie, sans avoir à compter, c’est clairement un des gros avantages de cette vie hors de France!

La “slow life” a pris tout son sens, naturellement!

Nous avons en 3 ans changé de mentalité. Nous avons évolué.

Contrairement à “avant”, nous avons du temps. Nous gérons notre temps.

Et nous le prenons pour inculquer aux enfants la liberté mais aussi les devoirs et responsabilités qu’ils auront un jour ou l’autre à assumer. Les enfants sont actifs à la maison (je parle de Léna et Lissandre bien sûr)(quoique le petit est actif aussi mais différemment^^).


L’aide au quotidien, pour cuisiner avec moi ou aller faire les courses

Ils font leur lit chaque jour, rangent et nettoient leur chambre si besoin (bon, ça reste assez sommaire mais ils le font), et m’aident quotidiennement pour faire les marchés, préparer à manger. Ils deviennent autonomes là-dessus. Ce sont des activités à part entière qui prennent du temps mais qui les responsabilisent et les placent au coeur de la famille. Ils comprennent que plus je suis aidée et plus j’aurai de temps pour être avec eux, les emmener en balade ou faire un jeu. En France, si les enfants étaient à l’école, je ne leur en demanderai pas autant!!!


Beaucoup de petits dépotoires, derrière des murs dans des terrains vague

Ils prennent conscience de l’écologie, du gaspillage, de la pollution, puisque dans certains pays, nous sommes en pleine insouciance écologique des habitants. Ils commencent à réfléchir sur ces notions complexes en les vivant concrètement. Il y a quelques jours encore en Ukraine, Léna m’a fait remarquer qu’elle ne comprenait pas ces tas de déchets alors qu’il y a des poubelles dans chaque rue.
Tous ces termes “responsabilité”, “écologie”; “équilibre alimentaire”, “minimalisme” qui paraissent très éloignés pour des enfants de 6 et 8 ans, prennent sens en les vivant et non en les voyant en classe.

Il y a eu du chemin de fait!

Autre point super positif du voyage : nous sommes ensemble. C’est quand même agréable de voir nos enfants grandir chaque jour, en prenant notre temps. Nous sommes peu en conflit, car ce voyage est aussi le leur et qu’ils sont écoutés, entendus dans leurs besoins et envies.

Nous-même sommes davantage dans le moins consommer, mieux consommer!

C’est -sur papier- que du bonheur (nous reviendrons sur le QUE un peu plus loin^^) ! Partager toutes ces découvertes ensemble avec ses enfants, je ne le regrette vraiment pas.


Le Portugal des Petits, à Coïmbra, leur best du voyage c’est ça!

Ces souvenirs s’ancrent et nous rapprochent davantage encore.Cela nous ait arrivé de visionner nos anciennes vidéos, et je vois dans leurs yeux ces émerveillements : “Je me souviens, Maman, c’était génial, là!!!” quand on reparle du Portugal des Petits à Coimbra : parc immense de petites maisons où seuls les enfants de par leur taille peuvent entrer.


Juste après l’un des crashs de drône! Skopje – Macédoine

“Tu te souviens, ici, c’est quand Papa a crashé son drône!!!” quand ils revoient les images du Canyon Matka en Macédoine.

Toutes ces marches faites ensemble, entre les oliviers en Grèce, les pins de Bulgarie, les immeubles communistes roumains et moldaves, deux plages grecques ou bulgares nous auront rapprochées et nous offrent des souvenirs communs, une plus grande solidarité et un renforcement du noyau familial. Ce sont des moments précieux d’échanges, de discussions, de partage.


Pareil pour le couple. Nous sommes ensemble, toujours, et ça pourrait paraître difficile mais il n’en est rien. Nous avançons aussi tous les deux, professionnellement, amoureusement, étant l’un pour l’autre présent et c’est assez facile, confortable que de se sentir “à deux” pour gérer le quotidien, les enfants, cette vie autour du noyau familial.

Bon, et il y a une chose à laquelle nous avons vite pris goût. C’est l’absence de routine.

Certes, dans chaque maison, nous y rétablissons quelques rituels, surtout pour les enfants, notre vie n’est pas non plus un bordel infini, mais on apprécie grandement d’ouvrir notre porte d’entrée et d’avoir de nouveaux paysages à explorer, des opportunités de rencontres à faire et d’expérience à provoquer.

C’est stimulant, excitant même, de déceler des façons de vivre autres que celles dont nous avons eu l’habitude toute notre vie. Pour nous, c’est limite dopant, l’ennui arrive vite lorsque nous rentrons en France dans des endroits déjà parcourus et mille fois arpentés.

Lissandre remontant l’eau d’un puits

Enfin, et pour finir, apprendre, découvrir en permanence nous permet de nous enrichir personnellement. Nous développons indéniablement cette ouverture d’esprit si importante à la compréhension du monde. Chaque lieu ses faits historiques, culturels, sociétaux, chaque lieu ses peuples, façons de vivre. Ce voyage nous permet de rester en éveil, de devoir nous adapter et ne pas se laisser crouler de paresse. Il donne lieu à un enrichissement culturel et un dépassement de soi, et là, je sais de quoi je parle! #teamagoraphobie

Maintenant, parlons peu, parlons bien. A votre avis, le premier aspect négatif d’un voyage longue durée comme nous le faisons, c’est quoi? Eh bien, oui, bien entendu, c’est le manque de nos proches!

Si seulement nous pouvions nous téléporter parfois, pour partager une vue, ou cette bière fraîche quand le soleil tape avec nos amis, nous serions comblés.

Il faudrait que l’avion soit gratuit pour tous, qu’ils puissent nous rejoindre quand bon leur semble ou que nous puissions les rejoindre les jours de gris, ce serait idéal. Mais il n’en est rien. Il nous faut jongler entre les moments de doute et les journées vides, en sachant qu’entre les deux il y a des jours rosés juste parfaits. Il nous faut apprivoiser ce manque, décompter les jours sans trop attendre l’échéance, et en faire une force pour que les instants en France soientt encore plus magiques!

La bande de copains à Néa Moudania, en Grèce

En attendant, nous essayons de nous rapprocher des familles voyageuses ou des locaux pour palier à ce manque, tant pour nous que pour les enfants. Et quand ils trouvent des copains pour un mois, c’est juste un mois parfait!

Bon, et puis, je ne peux pas le nier, il y a quand même des activités qui sont propres à la France et qui manquent lorsque l’on voyage. Moi qui aimais flâner de longues heures avec les enfants dans les bibliothèques, découvrir et emprunter des livres par dizaine, j’avoue que c’est plus dur hors France. Un bon ciné en français, aussi, sans avoir à se concentrer pour en comprendre 1/10ème seulement.

Enfin, le dernier bilan que je fais de ces années de voyage, c’est que le plus gros avantage que je vois au voyage peut certains jours devenir mon pire cauchemar. Etre ensemble, tout le temps.
Certes, nous nous entendons plutôt bien tous les 5 : rares sont les journées qu’on mettrait à la fenêtre, mais comme dans toute famille, les conflits avec les enfants arrivent aussi, et là, on peut difficilement s’octroyer le luxe de les envoyer chez Papi et Mamie pour souffler un peu!
Etre 24h/24 ensemble nécessite d’avoir un moral d’acier, de rester patient et de se dire qu’à un moment donné, ils vont bien finir par s’endormir ^^ Le décompte des heures restantes fonctionne bien, si si! Il faut réussir à passer le cap des “je les abandonne et je laisse l’autre survivant gérer tout ce “petit monde” pour s’évader si besoin. J’ai trouvé la course à pied pour ma part, Christophe s’évade régulièrement pour bosser à l’extérieur et manger un bout ailleurs. Mais en couple, on ne peut pas encore s’échapper

Ca viendra: courage, plus que 10 ans ^^

Jona qui m’assistait en pleine cuisine 😉 Sofia – Bulgarie-

Voilà mon bilan personnel. Il y a sûrement d’autres contraintes mais elles ne m’affectent pas réellement, et les points négatifs du style “une bonne literie”, “avoir ses ustensiles pour cuisiner” restent du détail dans une vie. Nous profitons d’autant plus de la joie intérieure qui nous submerge lorsque nous découvrons un simple fouet, en pensant aux futures mousses au chocolat … #danseduventre

Qu’est-ce que j’ai le plus aimé? Le moins?

En fait, ce n’est pas une question de pays ou de géographie. Ce qu’on retient, c’est certes du paysage, mais le plus gros de l’émotion se gagne avec l’expérience, et en ce qui me concerne, ce sont les rencontres qui font la différence.

Toute ma vie, je me souviendrai de ce sicilien qui, au cours d’un repas de pâtes à la siciliana, me montrait les photos des ses ex-cible, lui qui faisait partie de la mafia sicilienne il y a 10 ans encore. Regarder avec les yeux ébahis ce livre jonché de photos, d’indices, d’adresses, tel un trophée ou un cahier des charges, selon…
Je me souviendrai toujours de ces tocs-tocs à la porte de notre maison en Grèce, qui annonçaient soit un plat maison typique, soit une invitation à aller cueillir tel ou tel fruit de saison. (Tasos et Gogo, qui restent dans nos coeurs)
Je me souviendrai de ces soirées portugaises passées à contempler la lune, boire du gin ou/et refaire le monde avec Susana et Ricardo.

Le pays le plus apprécié, celui où je ne retournerai pas…?

Avec Angela et Salvo en Sicile, c’était un mois de bonheur auprès d’eux!

Lydia, Aurore, Angela et Salvo, Giando, Corina, Raluca, Lili et Christian…

Tous ces visages qui restent gravés en mémoire. Mais aussi tous les sourires des enfants devant leurs copains, à Néa Moudania, en Grèce par exemple, font que forcément, ces souvenirs restent plus marquants.

Je ne peux pas choisir de meilleur moment, ils ont tous été bien différents dans des contextes différents. Mais c’est vrai que l’un des moments que j’ai adoré, c’était lorsque nous étions en Bulgarie, regardant ces jeunes filles danser devant nous. Ce fut mon premier petit choc, où je ressentais la différence avec mon peuple français, ces traditions transmises de mère en fille, de grand-mère à petite-fille. Ce respect, ces prières aux morts, que j’ignorais jusque là encore, et qui m’ont étonnés et impressionnés, dans cette même ville.

Je pense que la Bulgarie m’a beaucoup plue, de par ses contrastes.

Tranquilité, simplicité ici en Roumanie

La Roumanie, elle, m’a littéralement séduite par ses paysages et son accueil. Des repas partagés, des conversations entières avec des inconnus comme avec nos propres amis d’enfance, nous avons juste adoré cette Roumanie, des villes comme des campagnes, si rudes et éloignées de ce que nous connaissons.

Ceci dit, nous gardons des bons souvenirs dans chaque pays traversé. Celui qui m’aura le moins séduite est peut-être la Moldavie le mois dernier. Nous n’avons pas eu la chance d’une rencontre passionnante, effet capitale peut-être, ni la découverte d’un endroit particulièrement beau et dépaysant. Mais encore une fois, c’est notre expérience personnelle. A en lire d’autres témoignages, les moldaves sont tout aussi accueillants que les roumains…
Nous sommes peu sortis en un mois, faute de pluie, faute de travail. Comme quoi, nous n’avons pas eu la chance de sortir au bon moment !

Les meilleurs souvenirs que je garde sont forcément liés aux enfants.


Voir Léna jouer ou lire ses petits livres sur son lit en Roumanie à Sibiu, seule, devenant si grande. Regarder Lissandre pêcher en Bulgarie, attentif et concentré, s’émancipant encore un peu plus sous mes yeux.

Les joies de la plage, Ukraine – Odessa-

Et contempler Jona s’émerveiller du sable qui s’écoule en Ukraine. Marcher avec mes 3 enfants, entre ville, forêt et campagnes, sont des instants qui resteront gravés à vie. J’aime ces petits moments seule avec eux, tels des moments privilégiés que personne ne peut me voler.

Mon bilan est donc celui-ci, sans appel. A aucun moment je ne regrette notre choix d’avoir tout quitter. Nous avons grandi, ensemble, et individuellement aussi, à travers ces pays, rencontres, expériences différentes. Nous profitons de nos moments ensemble, et sommes convaincus que ces souvenirs graveront l’esprit de notre famille.

Et vous, qu’en pensez-vous? Seriez-vous prêts à ce changement de vie? Y voyez-vous autant d’avantages que nous ou au contraire, sommes-nous un peu perchés??? ^^


A long terme, ça peut marcher ou tout ceci a une fin quand les enfants grandissent?


A très vite.

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