Dans les coulisses

par Hiel

Ce qui est drôle, ce sont les commentaires suite aux vidéos postées. Il paraît que je suis “à l’aise”, qu’on ne voit aucune peur et que je fais “guérie”. C’est marrant d’entendre ça.

Enfin marrant, oui et non. Ca le serait sûrement plus si c’était le cas. Alors oui, je ne peux pas dire que toutes les sorties filmées sont à 100% difficiles. Ce n’est pas le cas. Mais une chose est sûre, vu que souvent, c’est moi qui filme, quand je sens l’angoisse en moi monter ou une crise guettée le moment opportun pour me faire ch—, alors il est bien rare que je pense à me filmer à ce moment-là. Souvent, quand c’est passé, ou après la sortie, j’ai un homme qui me fait comprendre que je ne prends pas les bons rushs.

Mais les bons rushs, pour moi, ce ne sont pas mes moments où je flippe!!!Il est marrant, lui…

Oui, je devrai avoir le réflexe de me filmer même quand j’ai peur, mais sur le moment, j’ai juste peur, je ne pense à rien d’autre qu’elle et moi, et l’affrontement qu’on commence nous deux.

Je n’ai jamais eu l’habitude de montrer mes peurs. Comme tout le monde je pense, on préfère montrer le bon côté des choses, notre meilleur profil plutôt que le côté sombre. Ca a toujours été honteux pour moi de dévoiler cette peur incomprise, et il m’est difficile, surtout en vidéo, de me montrer faible. C’est le cas devant une cam, mais aussi devant mes enfants. Je tente de maîtriser au mieux mes émotions, ne rien montrer à mes petits, et au passage si je pouvais éviter de me ridiculiser devant du monde, ce serait très bien aussi…

Bref, autant dire que sur mes vidéos, même si j’essaie -parfois- de dire où j’en suis dans mon ago, ce sont rarement sur les vidéos d’Agotrip où l’on me voit au plus mal. Mais je vais essayer de corriger cela. Il faut que je trouve mon rythme de croisière, que j’accepte l’idée que d’autres voient cette partie de moi cachée tant de fois et si longtemps. Les articles sont une meilleure façon d’exprimer mes faiblesses. Ecrire est pour moi plus naturel que de parler devant une caméra. J’ai accepté de partager ce voyage, mais je n’ai jamais été très douée pour me mettre en avant. C’est contradictoire puisque c’est moi qui suis censée faire vivre Agotrip, autant devant la cam que derrière en montage. J’aime l’idée d’être sincère avec les gens qui nous suivent,  je n’ai aucune crainte à dévoiler qui je suis vraiment. Je vais essayer de m’améliorer sur le contenu d’agoraphobie en vidéo et tenterai de montrer les crises ou les moments de peur lorsqu’ils se présenteront.

Je commence par vous montrer une séquence qui ne s’est pas déroulée comme je le voulais. Ce n’est pas un moment de peur, mais il me semblait important de vous le partager aussi. J’étais partie pour aller faire deux ou trois courses. J’avais mis la caméra pour me filmer à chanter. En général, j’aime bien chanter en voiture…

C’est vrai, il n’y a pas une sortie sans que je pense à l’ago. J’aimerai bien, ne plus y penser, mais juste sortir, bordel de merde, tout ago pense aux prochaines minutes qui vont pointer.

Je ne peux tout vous citer, j’ai déjà tellement emmagasiné de souvenirs en 1 mois… Le premier exemple qui me vient, là… Aller en voiture dans les hauteurs de Viana Do Castelo pour voir l’Abbaye par exemple.

Là encore, j’ai serré les dents. J’étais en voiture, pourtant. “Mais en haut, c’est comment? Y’a du monde un peu ou on est tout seul tout seul? C’est sécurisé la route pour y accéder? Bon, pour le moment, je vois des habitations, ça a l’air sécurisé et normal, c’est goudronné, pas de faux plan voiture embourbée ou autre. Bon, on y est. Ok. Relax, c’est beau, regarde. Oui, ok, je regarde une minute, deux minutes. Voilà c’est bon, j’ai imprimé, on peut redescendre maintenant…Rhhaaaa, mais j’peux pas faire ça, on vient d’arriver, sois normale, on reste un quart d’heure, il (Christophe) sera content et ça ira. Les minutes passent. Gérer les enfants me fait penser à autre chose de plus concret, ça m’aide. Je me calme un peu: au bout de quelques minutes, je me détends. La vue est, il est vrai, magnifique.

Redescendre (puisque ma crainte est de rester coincée dans un trou perdu et en haut d’une montagne en fait partie) ne demandera que 5 minutes à tout casser, c’est rapide. Je mesure le risque de rester réellement coincée (voiture qui tombe en panne, personne pour nous aider ou nous faire redescendre en ville) et il est proche du zéro donc là, je peux à nouveau respirer. Pfff, il veut aller voir en haut de l’Abbaye maintenant. Mais qu’est-ce qu’il m’énerve à vouloir toujours aller en haut, lui…Bon, je vais demander à la billetterie. Et en plus c’est payant. 1€. Tout ça pour s’engouffrer dans un ascenseur et ensuite devoir escalader des marches minuscules pour accéder à une tour riquiqui qui me donnerait presque envie de sauter par-dessus. Non merci, pas pour moi. Je reste avec les petits et économise 3€. Quand Christophe est redescendu, avec un sourire béat, j’ai su qu’on pourrait repartir. Hop, ça, c’est fait. Encore une sortie de gérée.”

Le bateau maintenant. Hoooo, ça aurait dû être super facile. Le bateau, je le visualisais en entier, ça ne nécessitait pas d’ efforts monstres que d’en faire le tour. Quand je l’ai vu, c’était déjà dans la poche, je n’aurai pas de crise là-d’dans.

Le début était sympa. “Hooo, regardez les enfants, les chambres, les petits lits…Ohh, y’a même une baignoire…” Bref, c’était une visite où l’ago n’avait pas sa place. J’enchaînais les pièces, je savais où j’étais, c’était aéré, je voyais le pont supérieur, tout allait bien. On descend un niveau en-dessous. Bon, les cabines se suivent, je suivais scolairement les flèches qui indiquaient le sens de la visite.

“Putain, il est fichtrement grand, ce bateau, merde. Bon, je gère: je sais comment repartir. Niveau-2. Là, je ne vois plus rien, plus le jour, plus la sortie, seulement une succession de pièces qui commençaient à me lasser un peu. La cuisine, ok, la pharmacie, oui oui, je continue. On doit arriver à la fin, là,  quand même, non?

Puis la claque, celle qui arrive toujours à faire chavirer nos pensées: Niveau-3. Là, non. Je peux plus. Y’a bien un des petits qui va nous dire qu’il en a marre, quand même??? Même pas.”

Ils allaient limite plus vite que moi, moi qui pourtant galopais pour en voir le bout. Ce manque d’air, cette sensation de ne pouvoir m’échapper, m’ont frappée direct. J’étais à la traîne, la salle des moteurs m’a achevée. Je poursuivais la visite non plus en essayant de comprendre l’intérêt de telle pièce mais en scrutant ces putains de flèches qui parfois, me faisaient faire 5 mètres pour rien. Au moment où je commençais à ne plus pouvoir le cacher à Christophe, où respirer me devenait plus difficile, j’ai eu cette chance inespérée que de voir le petit “Exit” au bout du couloir. Ahhhhh, c’était bon, la sortie était là. Descendre au -3 n’était plus un problème, je n’avais qu’une petite boucle touristique à faire et c’était bon. Mon coeur pouvait reprendre son activité tranquillement et mes jambes retrouver leur stabilité habituelle. Ouf.

Les petits n’ont rien vu, la cam à peine, et ça n’aura duré que quelques minutes.

Voilà, les coulisses, comme je le disais au début, sont bien différentes de ce qui est présenté en vidéo.

Chaque jour est ainsi fait: il y a les sorties plaisir qui ne me font plus peur (les restaurants par exemple), et le reste, l’inconnu du lieu, de la situation, qui engendreront forcément du stress et quelques coups de flippe.

Est-ce qu’il y a d’autres coulisses sous le thème de la peur? Ha ouiiii, des dizaines d’autres, plus ou moins longues, plus ou moins gérées. Qu’il s’agisse de l’aquarium à Porto, de l’usine pourtant à taille humaine, de la rando à cheval ou de la simple balade à Esposende à pied, tout est sujet à écrire sur la peur. Il y a forcément un passage dessus. Les agos peuvent comprendre sans même avoir besoin d’explication. Pour les autres, je tâcherai à l’avenir d’être plus précise pour décrire ce que l’on ressent en tant qu’ “ago”.

A très vite

 

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