AgoTrip : COMMENT TOUT A COMMENCÉ

par Hiel

Cette question, on nous l’a posée tant de fois, à un moment, je me suis dit qu’il fallait que j’écrive un article pour y répondre. “D’où vous est venue l’idée de tout plaquer et de changer de vie?”
Car, oui, avant, on était comme tout le monde. On avait notre maison, nos p’tites habitudes et on était très heureux comme ça!

2008. Avec Christophe, lorsque nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes installés dans un appart. Un soixante mètre carrés moderne à la périph’ de Nantes. Locataire. 800€/mois. Puis, on a eu Léna. Super heureux, tout contents, parents comblés.

Léna dans notre premier appartement

 

Christophe venait de quitter une start-up pour lancer sa boîte et moi je travaillais dans un Cantou pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Petite vie pépère. nous oscillions entre familles et amis, travail et début de parentalité. Moi je partais bosser le coeur léger puisque je savais Léna avec son papa, qui créait (enfin, qui essayait entre deux parties de coucou/caché) sa propre société.

 

Léna avait à peine 10 mois lorsque je suis retombée enceinte. Pour nous, une super nouvelle, nous voulions nos enfants rapprochés. Je suis allée au bout de mes 7 mois de travail enceinte et une fois en congé maternité, nous avons cherché une maison, un peu plus grande. Déménagement dans la foulée. Locataire: 750€/mois. Campagne de la banlieue nantaise, 3 chambres: parfait pour accueillir ce deuxième bébé.

 

Notre maison en banlieue nantaise

Lissandre est né et je pris un congé parental. Christophe, quant à lui, continuait de développer sa société, qui était déjà lancée.

Un des deux bureaux à Christophe

Pour la faire grossir, il décida de déléguer une partie du travail et s’entoura d’un associé, de partenaire, et de stagiaire. Il lui fallut donc investir dans des bureaux qu’il trouva à moins de 5 kilomètres de notre maison pour 600€/mois.

Jusqu’à ce jour, aucune graine de voyage en tête, aucune idée de partir, rien qui ne m’aurait fait penser que quelques années plus tard, je vadrouillerai chaque mois d’une maison à une autre à l’étranger.

Les mois passant, Christophe pris acte que les stagiaires étaient malheureusement bien trop chronophages et que son associé, comme ses partenaires n’arrivaient pas à atteindre leurs objectifs. Le chiffre d’affaire stagnait et des charges étaient plus importantes à cause des bureaux. Il avait aussi beaucoup de mal à partir au bureau, me voyant profiter des petits et ayant souvent l’envie de rester avec nous. De plus en plus souvent, il traînait le matin pour partir de la maison, tiraillé par les p’tits cris de ses bouts de chou qui ne réclamaient qu’une chose : prolonger les jeux avec lui. Les soirs, il rentrait aussi de plus en plus tôt pour profiter de la vie familiale. Ce qui devait être une belle histoire entrepreneuriale devenait finalement un amoncellement de contraintes qui le privait d’une partie de sa liberté.

Puis lorsque Lissandre a eu 18 mois, Christophe ne renouvela aucun contrat de stage, et se sépara de son associé, de ses partenaires et de ses bureaux. Pour Christophe, chaque échec est un tremplin. Il imagina un nouveau modèle économique pour prospérer mais qui demanderait du développement technique. Il me posa à nouveau la question qu’il m’avait déjà posée à la naissance de Léna, à savoir si je voulais travailler avec lui. Je n’étais pas prête à l’époque (2011) car j’aimais mon travail (dans un Foyer d’Accueil Médicalisé depuis 1 an), mes résidents, mes collègues. Sincèrement, je m’y sentais bien dans ce foyer. Mais voilà, j’avais laissé Léna à Christophe pendant 1 an et avais été vraiment frustrée de ne pas avoir été là pour le quotidien de sa première année. Etre là seulement le matin ou le soir, un week-end sur deux m’avait laissé un souvenir amer. Ce congé parental avec Lissandre a été une révélation pour moi. Non seulement je me sentais bien, mais j’aimais vraiment être actrice chaque jour dans l’éducation et l’éveil de mes petits. Après ce congé, il était clair que je ne me voyais pas reprendre mon travail d’Aide-Médico-Psychologique. J’acceptai donc et donnai ma démission au Foyer.

Léna et Lissandre, à l’époque 2 ans et demi et 1 an.

Travailler à la maison avec des enfants impliquait pour nous de disposer d’un bureau isolé du bruit pour réceptionner les appels clients. Ce n’était pas le cas chez nous.
Nous n’avions pas de bureau, et pas d’endroit pour en loger un, ni même une cabane au fond du jardin.

Nous avons donc décidé de chercher une autre maison en location, plus grande, pour y loger notre petite famille et notre espace bureau. Nous avons logiquement commencé les recherches sur Nantes et alentours, mais les maisons avec 4 chambres étaient trop chères ou pas à notre goût. Nous voulions de l’espace, un endroit sympa, calme, une petite ville familiale. C’est alors que nous avons décidé d’élargir le périmètre de notre recherche. On a alors déployé la carte de france et entouré les zones de recherche. C’était super excitant de se dire que nous pouvions atterrir n’importe où. L’Est de la France nous attirait bien, la côte basque également. Nous n’avions pas de restrictions mais des conditions : un bon débit internet, 3 chambres et un bureau indépendant, un jardin, moins de 1000€/mois.

Ce fut une période charnière car ce sentiment de liberté était le premier qui nous a mené là où nous sommes.

Choisir là où nous vivrions, en se disant que nous pourrions changer si cela ne nous plaisait pas, nous a beaucoup plu. On a même pensé à choisir une maison par an. Bref, rien n’était encore très clair pour le long terme mais déjà, être en mouvement commençait à prendre sens pour nous.

Une maison a tout de suite attiré mon attention. En Bretagne, Côtes d’Armor. Il était plus de 23h quand je tombai sur l’annonce du BonCoin. Je la montrai à Christophe et le soir-même, j’envoyais un mail au propriétaire. Le lendemain matin, je reçus une réponse, et une invitation à la visiter. Deux jours plus tard, nous étions en direction de cette typique maison bretonne, qui deviendra notre petit hâvre de paix pendant deux ans.

Notre maison bretonne, à 700€/mois

Christophe me forma à l’informatique et au logiciel qu’il avait développé, aux rudiments d’une secrétaire, d’une assistante de gestion, d’une prospectrice, d’une conseillère clientèle et surtout, il m’offra mon plus beau cadeau : être avec mes enfants chaque jour, chaque minute.

Une de nos plages préférées sur Erquy, pour nos pauses déjeuner

Là-bas, nous avons tout découvert. On a découvert une vie paisible de bourg breton, à 5 minutes à pied de l’école, une minute de la boulangerie, moins de 30 secondes de la pharmacie. On a découvert un bonheur immense d’être là pour nos enfants chaque matin et chaque soir à la sortie de l’école, toujours à deux pour aller les emmener ou les chercher. On a découvert l’immense joie de découvrir des paysages sublimes, des plages immenses et plates, des plages rocheuses de galets, des plages de surf, des plages sans personne dessus à part nous. On a découvert qu’on adorait être ensemble, tous les 2 avec Christophe. Le midi, nous allions manger notre sandwich sur une des plages en plein hiver, avant de retourner bosser chez nous. On a découvert qu’on adorait être tous les 4, qu’on adorait nous adapter à un nouvel environnement, découvrir de nouvelles personnes, de nouveaux lieux.

De ces découvertes sur nous-même a enfin germé l’idée qu’ici ou ailleurs, nous serions heureux.

La société évoluait bien, je me plaisais en Bretagne. Pour moi, ce fut une réelle nouveauté, moi qui n’avais jamais vécu ailleurs que sur Nantes, sans ma famille et mes amis de longue date. Et surtout, la collaboration avec Christophe se passait bien. Après tout, c’était la première fois que nous travaillions ensemble, que nous étions ensemble H24 chaque jour. Depuis que nous étions en sol breton, nous avions envie d’un autre bébé, un p’tit dernier. J’approchais de mes 35 ans, c’était maintenant ou jamais. Été 2015, enfin, je tombai enceinte. Nous étions ravis. Nous nous étions toujours dit que dans les rires de nos deux bambins, il manquait le son d’un “arheu”, que sur nos photos, sans réussir à l’expliquer, il “manquait quelqu’un”. Mais à un peu moins de deux mois de grossesse, je fis une fausse couche. La claque. Ce n’était pas ma première, mais celle-ci, elle prenait un sens différent : notre espoir d’avoir un dernier bébé venait de s’envoler.

Eté 2015, juste après ma fausse couche

 

Le deuil de cette vie à cinq, je mis deux mois à le faire. Mais, et c’est humain, l’homme a besoin de faire des projets pour avancer. En tout cas, nous, on en a eu besoin.

C’est de cet évènement que nous nous sommes dit “Et pourquoi ne pas aller nous installer en Espagne?”

Il nous suffisait que de nos PC et d’une connexion internet pour travailler…L’idée est partie de cette suggestion, de ce pourquoi pas. Au fil des jours, cette même suggestion a mûrit en moi. Cela faisait des années que je me battais contre l’agoraphobie qui m’avait bouffé une partie de ma vie, il était grand temps que j’aille voir plus loin, que je me dépasse encore. Moi qui avais renoncé aux voyages depuis mes 18 ans, moi qui n’étais jamais allée plus loin que le Mont-Saint-Michel, j’avais une envie folle d’aller découvrir d’autres villes, d’autres pays, avec mes enfants et mon homme. Puisque je n’aurai pas ce 3ème enfant, j’allai découvrir un peu de ce monde, profiter pleinement de ma famille chaque jour, construire avec eux une vie riche en découvertes. Jour après jour, cette petite idée saugrenue est devenue le sujet principal de nos conversations, puis un projet.

Et Christophe comme moi, lorsque nous prenons une décision, nous ne sommes pas du genre à attendre le moment idéal. Car nous le savons, il n’y a pas de moment idéal. Nous nous donnions la fin de l’année scolaire pour réaliser ce projet, pour faire en sorte qu’hors de France, la boite continue de tourner. Nous nous donnions donc quelques mois pour peaufiner notre projet. Combien de temps allions-nous partir? Où? Comment? Quel logement? Nous nous donnions quelques mois pour préparer Léna et Lissandre également. Quelques mois pour boucler les démarches administratives (rompre le bail du logement, retirer les enfants de l’école, trouver une nouvelle adresse fiscale etc).

Les cartons se remplissent, on se sépare de tous nos meubles/objets de la maison, mais Lissandre ne réalise pas vraiment les changements à venir

 

Et tout s’est enchaîné très vite. Nous avons monté le blog, trouvé la ligne directrice, répondu à nos propres questionnements. Nous avons vidé la maison, nous nous sommes séparé de tout ce qui était matériel pour ne remplir que 4 valises et trois sacs de jeux/livres.

Le premier croquis d’Agotrip pour notre blog

Puis le grand départ, vers l’inconnu : le Portugal nous a accueilli, pendant 4 mois, et ça nous a semblé une évidence.

Une évidence que vivre cette aventure avec nos enfants était une chance incroyable, une évidence que ce serait le chemin vers une liberté tant convoitée.

 

Voilà comment est né Agotrip. De ces quelques déménagements, de notre envie de travailler ensemble chez nous, de cette fausse couche à ce moment-là. C’est un peu le fruit de nos envies refoulées, de cette prise de conscience que nous pouvions travailler de n’importe où. C’est un peu de la folie, une vengeance personnelle contre moi-même. C’est un nouveau défi à relever pour Christophe, porté par son insatiable besoin de liberté. C’est un peu une manière de s’émanciper d’un système de plus en plus oppressant, un peu aussi une façon d’ouvrir les œillères de nos petits, mais aussi d’aller à leur rythme, de les observer et d’aller là où ils veulent aller dans leurs apprentissages. C’est un peu utopique, sûrement un peu farfelu aussi comme mode de vie, mais c’est bien de là que tout est parti.

Nous étions partis à 4 et voilà que ce voyage nous aura aussi apporté une belle petite surprise : continuer cette aventure à 5 😉
Ca fait déjà 2 ans.

A très vite.

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